Tableaux de Victor Hartmann

La musique ignore les frontières. Le concert que nous vous proposons le confirmera en recréant pour chaque partition un véritable voyage d’Est en Ouest.

Les Danses symphoniques op 45 sont une œuvre testamentaire écrite par Serge Rachmaninov (1873-1943), compositeur russe installé aux USA depuis 1918. Une version pour deux pianos, terminée avec l’aide de Vladimir Horowitz (1903-1989) a précédé la partition que vous entendrez ce soir. Mais cet opus 45 de 1940 a été pensé pour l’orchestre de Philadelphie dirigé par Eugène Ormandy (1899-1985) [d’origine hongroise] à qui il est dédié. Rachmaninov a déclaré :
« Enregistrer avec l’orchestre philharmonique de Philadelphie est passionnant, et le rêve de tous les artistes. C’est sans doute le meilleur orchestre du monde¹ ». La richesse des couleurs de cette musique est immense (saxophone contralto, contrebasson, xylophone, piano etc.) Le glockenspiel aurait un lien avec la jeunesse de Rachmaninov et les cloches rappellent l’opus 35 (Les Cloches ou Kola kola liées aux 4 âges de la vie humaine). Le titre initial de cette partition était Danses Fantastiques. Ses 3 mouvements portaient initialement des indications (Midi, Crépuscule et Minuit) selon une esthétique proche de la musique à programme du XIX^e siècle. Mais le compositeur a finalement effacé ces connotations qui évoquaient des étapes de la vie (comme dans l’op 35). Le rôle de la danse ici n’est pas franc et massif. Il se conçoit davantage comme une référence. 

Le premier mouvement Non Allegro utilise un thème arpégé descendant qui pourrait avoir été inspiré par la badinerie de la 2^e Suite de danse (ou Ouverture) de Bach pour Orchestre. 

Le deuxième mouvement Andante con moto est une valse, entre continuité et discontinuité, équilibre et déséquilibre. On peut y voir une influence de Ravel dans l’orchestration. 

Le dernier mouvement Lento Assai Allegro vivace cite un thème liturgique orthodoxe « Béni soit le Seigneur » et la séquence de la Messe des morts grégorienne en lui donnant à ce moment-là quelques accents de danse macabre.

Cette citation est du reste, une obsession chez Rachmaninov.

Les tableaux d’une exposition² sont composés par Moussorgski en 1874 en référence à l’œuvre du peintre Victor Hartmann (décédé brutalement en 1873) et représentent une sorte de suite d’orchestre avec 10 pièces ou tableaux sonores, plus la « promenade² » qui matérialise à plusieurs reprises la présence de Moussorgski à l’exposition. [« Ma physionomie est visible dans la promenade ». Lettre du 12 juin 1874]. Ce thème subit des métamorphoses, de même que le visiteur change d’humeur en fonction des toiles qu’il observe. Mais le plus remarquable est la façon dont la musique montre le promeneur perdant conscience de l’univers qui l’entoure, progressivement absorbé par la peinture. En effet, la promenade se raréfie semble disparaître mais sa mélodie se retrouve transfigurée dans La grande porte de Kiev. Les tableaux marchent par deux selon une thématique commune, Le Ballet des poussins dans leur coque (5^e) excepté : ⁴